Interview : la dépression chez les personnes homosexuelles
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La dépression est une chose courante chez les personnes homosexuelles, les menant souvent au suicide. Un mal de vivre trop courant aux conséquences parfois fatales très présent dans la communauté homosexuelle. Vivre Trans a rencontré le Dr Jacques Gayet, ancien psychiatre, qui a traité de nombreux cas similaires. Focus.
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Une étude en Grande Bretagne, Youth Chances (« Les chances de la jeunesse »), concernant la population homosexuelle, bisexuelle et transsexuelle mérite que l’on s’y arrête compte tenu des chiffres affolants qui continuent d’augmenter chaque année. Elle établit que dans cette tranche d’âge, 29 % des jeunes britanniques ont fait appel à une aide médicale en raison de problèmes psychologiques pour anxiété ou dépression. Ce qui tend à prouver que le mode de vie britannique est anxiogène.
Mais ce chiffre passe à 42 % chez les homosexuels et autres transgenres.44 % de ces jeunes ont des pensées suicidaires (contre 26 % chez les hétéros) et 52 % se sont déjà automutilés. (35 % chez les hétérosexuels). Ceux qui ont une tendance à l’homosexualité ont cinq fois plus de risque de se suicider.
Tous ces chiffres sont absolument effarants et que l’on transpose facilement à la France. C’est pourquoi il nous paraît important de parler de la dépression, pour essayer de la prévenir, au mieux et la traiter, au pire. Le Dr Jacques Gayet, ancien pédopsychiatre qui a exercé pendant plus de 40 ans a vu toutes les tranches d’âges et nous décrypte cette maladie pour Vivre Trans.
Quelle différence entre simple déprime et vraie dépression ?
La déprime est un état passager, contrairement à la dépression qui se manifeste par des symptômes caractéristiques certes mais surtout durables.
Dans le premier cas, ce peut être se sentir triste et fatigué, être irritable, sentir une baisse de motivation, même, pourquoi pas, avoir des idées noires. Notre humeur peut varier. La tristesse peut alterner avec de la joie, témoins de nos émotions en relation avec les évènements de notre vie.
La différence la plus importante entre déprime et dépression est le côté passager de la déprime et le côté durable de la dépression.
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Qu’est-ce qu’une dépression, comment se manifeste-t-elle ?
« La dépression est une maladie, elle n’est en aucun cas le reflet de la fatalité ou d’une faiblesse de caractère. Personne, quel que soit son âge, n’en est à l’abri. »
La dépression se caractérise par les symptômes suivants : une tristesse intense et durable, une grande partie de la journée et se répétant au fil des jours, associée à une perte d’intérêt pour les actes de la vie courante et les centres d’intérêts que l’on pouvait avoir auparavant, ainsi qu’une grande fatigue qui perdure et n’est améliorée ni par le sommeil ni par le repos. Ces symptômes doivent être associés. Isolément ils ne sont pas forcément signe d’une dépression.
D’autres symptômes peuvent s’y ajouter : dégradation du sommeil, variation du poids, sentiment d’incapacité, difficultés de concentration, idées suicidaires… Il faut noter que la dépression est dans le monde la première cause d’incapacité de la personne. Elle touche deux fois plus la femme que l’homme.
Toute dépression avérée nécessite un traitement qui doit associer une chimiothérapie essentiellement antidépressive et une psychothérapie dont il existe plusieurs types.
Le risque de rechute ou récidive est très élevé si aucun traitement n’est apporté.
Le risque majeur de la maladie dépressive est bien sûr le décès par suicide.
Quelles sont les raisons les plus courantes ?
Les causes sont complexes et nombreuses, la dépression est souvent la résultante de plusieurs éléments.
Il y a des facteurs constitutionnels, inhérents à la personne, génétiques selon certains. Des facteurs sociaux et environnementaux liés aux évènements de la vie. Comme une séparation affective, une perte d’emploi, décès d’un proche, une maladie grave, rejet par la famille, … En bref les causes sont nombreuses.
À noter que la dépression est plus fréquente dans les populations d’un niveau professionnel moins élevé. Notamment chez les personnes sans emploi, les personnes isolées, divorcées ou séparées.
Certains auteurs décrivent aussi des facteurs biologiques liés aux neurotransmetteurs et plus particulièrement le métabolisme du cortisol (hormone du stress).
Difficile dans tout ça de repérer une cause principale, tellement les causes sont intriquées.
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Cela touche de nombreuses personnes homosexuel-les, pourquoi ?
D’abord, les personnes homosexuelles sont comme toutes autres personnes soumises aux mêmes causes génératrices de dépression. Il s’avère cependant d’après toutes les études réalisées qu’elles sont même beaucoup plus exposées au risque de la maladie dépressive que les personnes hétérosexuelles, deux fois plus selon certaines études. Le risque de suicide est de 2 à 10 fois plus important (selon les études).
Pourquoi ?
On peut mettre en avant un certain isolement de ces personnes, isolement du fait de leur sentiment de rejet par la société. Mais dans les pays où l’homosexualité est acceptée depuis de nombreuses années et où les mariages sont fréquents, cela ne pose aucun problème (Pays-Bas, Suède par exemple). Le nombre des dépressions et des suicides demeure néanmoins beaucoup plus élevé que dans la population hétérosexuelle.
Certains auteurs américains avancent que les homosexuels sont « conditionnés à anticiper le rejet » (Alex Keuroghlian du centre de santé LGBT de Boston), conséquence d’une culture de rejet, véritable stress minoritaire que d’autres minorités ont elles-aussi subi (noir, femme, gay, handicapé…).
Les gays sont exposés depuis très jeunes à des facteurs de stress liés à leur orientation sexuelle. Notamment le rejet. Pas forcément au niveau de la réalité mais du vécu qu’ils en ont. Et ce stress continue génère un traumatisme.
« Lorsque vous vivez un traumatisme, vous aurez le genre de trouble du stress post-traumatique qui se guérit avec 4 à 6 mois de thérapie. Mais lorsqu’il est dû à des années et des années d’exposition à de petits facteurs de stress — des petites choses qui vous font constamment vous demander « est-ce que c’est à cause de ma sexualité ? » — ça peut être encore pire. (William Elder) »
Les réseaux sociaux spécialisés pour les personnes homosexuelles peuvent renforcer le sentiment d’exclusion. Ils tendent à accentuer l’opinion négative qu’elles entretiennent déjà à leur propre sujet : à trop vouloir un partenaire grand, blanc, musclé et masculin (par exemple) qui les font se sentir laids. Le culte du corps et de la perfection accentue l’isolement et le sentiment de rejet de leurs pairs.
Cela concerne-t-il uniquement la personne en question ?
Cela concerne au premier lieu la personne bien évidemment mais aussi un peu son entourage.
La famille peut-elle être touchée également ? Pourquoi ?
Bien sûr que la famille qui gravite autour ou qui vit avec la personne peut être touchée. Mais la dépression est avant tout affaire de l’individu malade. L’entourage peut vivre une certaine culpabilité et cherche quelle conduite à tenir face à la personne dépressive. Quelle que soit leur attitude, elle ne peut être réellement thérapeutique. Elle peut aider mais pas guérir. Seul le psychiatre peut traiter la dépression. Et être aidé éventuellement d’un(e) psychologue qui pourra assurer des entretiens de soutien, s’il ne peut lui-même les assurer.
La difficulté est surtout que la famille comprenne que la personne est dépressive et que le malade accepte les soins.
Comment remédier à la dépression ? Quelles sont les solutions ?
Dans l’idéal, ce n’est pas tant sur la personne touchée qu’il faudrait faire quelque chose. Mais autant que sur ceux qui l’entourent et surtout sur la Société, vœu bien utopique. Il en est de même du regard de la Société sur toutes les minorités.
La famille de la personne homosexuelle, notamment, quand cette orientation sexuelle se manifeste, dès l’adolescence parfois, devrait pouvoir l’accepter ce qui n’est pas facile généralement. Si la personne se sent aimée telle qu’elle est par ses proches et surtout ses parents, elle part dans la vie avec plus de force pour « affronter » le regard de la société.
Dès que des symptômes de souffrance sont décelés par l’entourage, il convient de persuader la personne de se faire aider par des psychologues. Et pourquoi pas des psychiatres surtout si des symptômes dépressifs apparaissent. En tant que médecin, il peut prescrire des médications adaptées. Et par sa formation psychothérapique, il peut proposer des entretiens et pourquoi pas si besoin est de proposer une thérapie familiale. Il ne s’agit pas là de soigner l’homosexualité mais de soigner la souffrance de la personne et de l’aider à s’épanouir dans sa façon de vivre une relation amoureuse qui correspond à ses désirs.
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En résumé, n’ayez pas avoir peur des médecins psychiatres, trop souvent associés à la folie. N’ayez pas peur des traitements antidépresseurs. Ce sont les seules médications adaptées à la dépression. Et qui doivent être toujours associés à un suivi psychothérapique.
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