L'histoire des luttes LGBT+ en France
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L'histoire des luttes LGBT+ en France
Les avancées en matière de droit et les changements de mentalités dans la société n'auraient pas été possibles sans l'action des associations et mouvements de défense des Lesbiennes, Gays, Bisexuel.les et Transgenres (LGBT). Comment se sont-ils constitués ? Quelles étaient leurs motivations, leurs revendications, leurs modes d'action ? Quels défis doivent-ils relever aujourd'hui ?
Arcadie
Il est considéré comme le premier mouvement LGBT (1) en France : arcadieArcadie a été fondé en 1953 par André Baudry (2), ancien séminariste et professeur de philosophie. En 1954, il crée la revue du même nom qui, malgré les pressions et les condamnations, ne cessera jamais de paraître jusqu'en 1982. Parmi les plumes de la revue : Roger Peyrefitte, Jacques de Ricaumont et André du Dognon ; Jean Cocteau offrit le dessin de la première Une, marquée du mot « Liberté ».
André Baudry ne faisait pas l'unanimité. Il prônait une intégration discrète et respectable des homosexuels dans la société, et acceptait mal les attitudes transgressives. Il préférait le terme « homophilie » à celui d'homosexualité.
A la fin des années 1960, il n'encouragea pas les mouvements sociaux plus radicaux tels que le FHAR (Front Homosexuel d'Action Révolutionnaire). Certaines femmes dénoncèrent la sous-représentativité des lesbiennes dans Arcadie et se tournèrent vers le MLF (Mouvement de Libération des Femmes).
Condamné plusieurs fois pour « outrage aux bonnes mœurs », il s'afficha publiquement à une époque où l'homosexualité était encore considérée comme une maladie mentale et un « fléau de la société ». En 1973 par exemple, il participa à la première émission grand public sur l'homosexualité à la télévision. En cela, il est reconnu comme ayant fait avancer la cause.
Le combat révolutionnaire
Trois ans après Mai 68, naît le Front Homosexuel d'Action Révolutionnaire (FHAR) à l'initiative notamment de lesbiennes féministes. Son objectif est double : proposer une révolution sociale aux homosexuels et une révolution sexuelle aux travailleurs. (3)
Le fonctionnement du mouvement est anti-autoritaire : pas de responsable ni de porte-parole, ni d'instance de décision. Des groupes de travail et de discussions s'installent dans les quartiers de Paris, des réunions sont régulièrement organisées à l'école des Beaux-Arts.
Guy Hocquenghem (4) est une figure emblématique du mouvement : écrivain, il collabore à la revue « Tout ! » de Jean-Paul Sartre et convainc l'équipe de publier une série de textes dans le douzième numéro intitulé « La libre disposition de notre corps ». « La révolution totale, ce n’est pas seulement séquestrer un patron qui vous fait chier : c’est accepter le bouleversement des mœurs, sans restriction », écrit-il.
Le 1er mai 1971, le FHAR participe au défilé aux côtés des ouvriers, certains de ses membres en travestis. Sur des banderoles, on peut lire « A bas la dictature des normaux ! ». Mais l'accueil des partis de gauche, y compris des partis dits révolutionnaires, est froid. « Nous n’avons aucune hostilité de principe contre la lutte que mènent les homosexuels contre l’ostracisme dont les entoure la société bourgeoise, nous n’en trouvons que plus lamentables les grotesques exhibitions du FHAR, lors des dernières manifestations (…). En se comportant comme des « grandes folles », les homosexuels du FHAR révèlent à quel point ils sont victimes de l’oppression sexuelle bourgeoise », explique la Ligue Communiste Révolutionnaire dans son périodique « Rouge » en mai 1972 (2).
Au Parti Communiste Français, le futur candidat aux élections présidentielles Jacques Duclos conseille à un militant venu l'interroger sur la position du parti d'aller se faire soigner… Pour Lutte Ouvrière, les revendications du FHAR relèvent de « l'individualisme petit-bourgeois » (3).
Quant au Parti socialiste, il considère que la question de l'orientation sexuelle doit rester dans la sphère intime et ne doit pas entrer dans la sphère politique.fhar
Les dissensions existent aussi à l'intérieur même du mouvement : les lesbiennes des Gouines Rouges dénoncent la misogynie des homosexuels hommes et font scission ; les Gazolines grimées en « folles » accentuent leurs actions de provocation ; Guy Hocquenghem appelle au retour à un militantisme politique plus traditionnel… Certains groupes se rapprochent de l'extrême gauche, d'autres des situationnistes… En 1974, le FHAR disparaît en tant que tel. Mais il a essaimé, y compris en province.
C'est ainsi que se crée le Groupe de Libération Homosexuelle (GLH) autour notamment de Jean Le Bitoux (futur fondateur du magazine « Le Gai Pied ») et Gilles Barbedette (qui participera à la création de l'association Aides). S'il s'inspire des revendications du FHAR, il s'éloigne toutefois progressivement du discours purement révolutionnaire, au profit de celui sur « l'égalité des droits ».
La première Gay Pride à Paris
D'autres mouvements ou associations ont vu le jour durant cette période, notamment d'obédience religieuse : David et Jonathan, chez les Catholiques (lire aussi la rubrique (Ré)acteurs) qui existe toujours et est considérée comme la plus ancienne association LGBT en France, ou encore Beit Haverim chez les Juifs.
Ils se retrouvent dans le Comité d'Urgence Anti-Répression Homosexuelle (CUARH), véritable fédération d'associations. Leur objectif principal est de lutter contre l'homophobie. Le 4 avril 1981, à un mois des élections présidentielles, le CUARH appelle à manifester : 10.000 personnes descendent dans la rue. Le candidat François Mitterrand annonce quelques jours plus tard son intention de dépénaliser l'homosexualité. Il tiendra promesse (lire aussi la rubrique (Re)visiter).
C'est aussi le CUARH qui organisera, un an plus tard, la première « Gay Pride » à Paris avec encore plus de 10.000 participants.
L'arrivée du sida
L'épidémie du sida va considérablement changer le visage de la lutte pour les droits des personnes homosexuelles.
En 1984, à la mort de son compagnon, le philosophe Michel Foucault (5), Daniel Defert crée l'association Aides. Pour lui, la lutte contre la maladie relève de la santé publique et non de l'identité sexuelle. Ainsi, la revendication homosexuelle n'est pas la priorité de Aides qui se bat pour la vente libre de seringues dans les pharmacies (alors uniquement disponibles sur ordonnance) et la publicité pour le préservatif (jusqu'alors interdite).
En 1989, trois journalistes, Luc Coulavin, Didier Lestrade et Pascal Loubet, fondent Act Up-Paris, émanation de l'association américaine de lutte contre le sida, Act Up.
Radicalement différente de Aides, Act Up se définit dès le départ comme une association de militants issus de la communauté homosexuelle. Ses modes d'action provoquent : en 1993, par exemple, elle encapote l'obélisque de la place de la Concorde à Paris. L'un de ses slogans : « Alerter, choquer, prévenir ».capote
En 1992, les deux associations se rejoignent avec d'autres dans le collectif TRT-5. La lutte se concentre sur la recherche thérapeutique et les traitements : le prix, la disponibilité et l'accessibilité des médicaments, la solidarité avec les malades d'autres continents comme l'Afrique...
Le couple et la famille
Dès la fin des années 1980, s'est engagée la lutte pour la reconnaissance des couples homosexuels. Les réticences sont nombreuses du côté politique et donc, législatif. Les associations jouent un rôle important de lobbying.
C'est en 1990 que Jean-Luc Mélenchon, alors sénateur socialiste, dépose le premier projet de loi instituant un contrat de partenariat civil. D'autres suivront, jusqu'au PACS, PActe Civil de Solidarité, adopté en 1999.
Durant les débats, de nombreuses manifestations ont été organisées, tant par les associations de défense des couples homosexuels que par leurs détracteurs.
En 2012, François Hollande inscrit dans son programme de campagne l'ouverture du droit au mariage et à l'adoption des couples homosexuels. Une fois élu, il doit faire face à l'opposition de la droite et à l'opposition d'une partie de la population regroupée derrière le collectif La Manif pour Tous ou encore Civitas, mouvement catholique traditionaliste. Ce qui cristallise leur colère ? La partie « famille » du projet de loi.
Elle est finalement adoptée le 17 mai 2013.
La PMA, prochaine bataille législative
La prochaine étape devrait être la PMA, Procréation Médicalement Assistée, pour toutes les femmes. Elle n'est pas, aujourd'hui, autorisée pour les femmes célibataires et les couples de lesbiennes. Le candidat Emmanuel Macron l'avait promis. Devenu président, il a longtemps hésité.
La PMA existe déjà depuis 1994 en France. Elle permet de recourir à des techniques médicales (comme l'insémination artificielle par exemple) pour concevoir un enfant. Elle est ouverte aux couples hétérosexuels en âge de procréer et dont au moins un des membres est stérile ou porteur d'une maladie susceptible d'être transmise à l'enfant. Elle est remboursée par la Sécurité sociale.
La réforme sera examinée par le Parlement à la fin du mois de septembre. Il s'agit d'étendre tous ces droits à toutes les femmes. Le comité consultatif national d'éthique a rendu un avis favorable.
Les associations LGBT + s'en réjouissent et estiment qu'il s'agirait de la fin d'une profonde discrimination. Au contraire, le collectif La Manif pour Tous craint que la porte ne soit ensuite ouverte à la GPA (Gestation Pour Autrui) aujourd'hui interdite en France.
SOS Homophobie
Si les débats liés au Mariage pour Tous et à la PMA ont provoqué des échanges au sein de la société, elles ont aussi libéré une certaine violence envers les LGBT +.Logo SOS homophobie 2018
Le rapport sur l'homophobie 2019 de SOS Homophobie (6) est « alarmant ». L'association lutte depuis 1994 contre les agressions et discriminations LGBTphobes. Elle a ouvert une ligne d'écoute et publie chaque année un rapport.
Ainsi, en 2018, elle a recueilli 1.905 témoignages d'actes LGBTphobes, soit 15 % de plus qu'en 2017, et presqu'autant qu'en 2012 (1.977) au moment de l'ouverture des débats sur le Mariage pour Tous.
Il peut s'agir de situations de rejet, de harcèlement et de discriminations, mais aussi d'agressions physiques : celles-ci ont progressé de 66 % entre 2017 et 2018 !
Premier lieu d'expression des LGBTphobies : Internet (23 % des situations recueillies), suivi par les lieux publics (13 %), le travail (11 %), la famille (10 %) et le voisinage (9 %).
35 % des agressions physiques sont signalées dans des lieux publics lorsque les personnes LGBT se rendent visibles (en se tenant la main, par exemple).
73 % des victimes s'étant signalées à SOS Homophobie sont des hommes, 19 % sont des femmes. En 2018, un acte lesbophobe était signalé par jour. L'association ne pense pas qu'il s'agisse d'une augmentation du nombre d'actes, mais plutôt d'une libéralisation de la parole des lesbiennes, d'une « vague revendicative ».
Le défi de l'intersectionnalité
Comme tout un chacun, les personnes LGBT sont plurielles. Certaines cumulent les formes de discrimination et les oppressions, comme les homosexuels racisés ou séropositifs ou transgenres… Plusieurs associations s'emparent de ces questions dites « intersectionnelles » comme Handi-Queer, Gras Politique, GreyPRIDE ou encore ARDHIS (Association pour la Reconnaissance des Droits des personnes Homosexuelles et transexuelles à l'Immigration et au Séjour).
(1) Qui concerne les lesbiennes, gay, bi, transgenres. On désigne par LGBT + ce qui concerne les lesbiennes, gay, bi, transgenres mais aussi les queer, intersexes, pangenres…
(2) André Baudry (1922-2018).
(3) Tiré de l'article de Benoît Bréville publié sur le site d'Europe Solidaire Sans Frontières en septembre 2011 : http://www.europe-solidaire.org/spip.php?article44589
(4) Guy Hocquenghem (1946-1988).
(5) Michel Foucault (1926-1984).
(6) SOS Homophobie a été créée en 1994 autour d'une ligne d'écoute et de soutien aux victimes de LGBTphobie. Ouverte du lundi au vendredi de 18 h à 22 h, le samedi de 14 h à 16 h et le dimanche de 18 h à 20 h au 01.48.06.42.41. Anonymat garanti.
Cinquante ans de « Gay Pride »
Le 28 juin 1969, une descente de police a lieu au Stonewall Inn, dans le quartier de Greenwich Village à New York. Officiellement, il s'agit d'un contrôle de la vente d'alcool, dans ce bar tenu par la mafia. Mais la police n'ignore pas qu'il s'agit surtout d'un lieu de rassemblement de personnes homosexuelles. A l'époque, aux Etats-Unis, l'homosexualité est considérée comme une maladie mentale et la vente d'alcool dans les bars est interdite aux homosexuels.fiertés
Le contrôle dégénère, des affrontements éclatent : treize personnes sont arrêtées, on compte plusieurs blessés des deux côtés. Les manifestations se poursuivent durant les trois nuits suivantes. Une situation inédite : c'est la première fois aux Etats-Unis que les gays, lesbiennes, trans et tous.tes ceux.celles qui les soutiennent se révoltent ainsi.
Un an plus tard, 2.000 personnes défilent dans les rues de New York en mémoire de cet événement. Ainsi est née la première « Gay Pride ».
En France, les premiers défilés auxquels ont participé officiellement des organisations homosexuelles sont ceux du 1er mai, de 1971 à 1978 (lire ci-dessus). La première manifestation indépendante a été organisée à Paris le 25 juin 1977. Reconduite en 1979 et en 1980, elle a pris la forme d'une « Gay Pride » après la dépénalisation de l'homosexualité par François Mitterrand en 1982. Elle est appelée aujourd'hui « Marche des Fiertés ».
Elle ne se cantonne plus seulement à Paris puisque dix-neuf villes françaises en organisent officiellement une. Cette année, Alençon était la première en mai et Montpellier sera la dernière le 20 juillet.
Quant au bar Stonewall, il est devenu un site historique national : https://www.visittheusa.fr/experience/stonewall-visitez-le-lieu-qui-vu-naitre-le-mouvement-lgbt-aux-etats-unis
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